Les mémoires d’un ange

Je profite de quelques moments calmes pour me mettre à l’écriture de mes mémoires. C’est que les humains de cette époque-ci me sollicitent moins que dans le temps, me semble-t-il. Ils pensent être rationnels et… regardez-les se faire avoir à la première arnaque venue.

Enfin… (Soupir).

Et pourtant, s’ils se rappelaient, comme moi, toutes les missions que mes collègues et moi avons menées, ils seraient au moins admiratifs, non ?

On peut rêver. (Re soupir).

Je me rappelle une mission spéciale : nous avions ordre du Patron d’aller visiter incognito un certain Abraham. Il fallait bien être trois, pour porter un message d’une telle importance à cet homme. Je l’ai vu sous sa tente, à l’abri de la chaleur. Comment va-t-il nous recevoir ? L’endroit est agréable et ombragé. Surprise ! Il nous reçoit comme si nous étions l’Eternel ! Fleur de farine pour faire un gâteau, un veau tendre et bon rôti à point, crème et lait… Aurait-il percé notre incognito ? En tout cas il a compris que l’annonce de la naissance d’un fils de sa femme Sara ne pouvait venir que d’Ailleurs, vu l’âge de Sara.

J’entends encore le rire intérieur de Sara ! Elle n’y croyait pas du tout ! Avoir un fils quand l’âge normal est passé ! Se mettre à pouponner quand on a déjà de l’arthrose !

Quel bon souvenir et quelle chouette mission : exaucer les prières et les attentes d’un patriarche ! Même si ça vient un peu tard !

Un conseil d’ange : réfléchissez bien avant de prier et comment vous priez, car Dieu peut vous exaucer, même quand vous ne l’attendez plus !

 

Oh, je me rappelle soudain un épisode fameux où j’ai failli laisser ma santé. Vous connaissez Jacob ? Un fameux lascar ! Pas toujours très net : tromper son père aveugle, traficoter pour augmenter son troupeau (c’est un malin, Jacob), envoyer sa femme et ses enfants en avant, à la rencontre de son frère peut-être encore furieux de s’être fait flouer… Courageux, mais pas téméraire, Jacob.

Quelle bagarre avec lui, toute la nuit ! J’ai dû utiliser les grands moyens pour faire cesser le combat. Il était temps qu’il fasse du chemin dans son cœur, dans ses relations aux autres et aussi à Dieu. Il a compris, Jacob. Cela valait bien qu’il change de nom et devienne Israël, celui qui combat contre Dieu.

Enfin, Dieu… Ben oui, après tout, qu’est-ce qu’on ne se bat pas contre Dieu, encore tous les jours ? Dans sa vie personnelle, dans les relations humaines, entre pays. Cela n’arrête pas. Comme si Dieu ne voulait justement pas le bien et la paix pour tous ! C’est ce que, nous les anges, nous nous fatiguons à transmettre constamment comme message.

 

Bien sûr, me revient à la mémoire une époque fastueuse de ma vie : aller annoncer une bonne nouvelle à une jeune personne. Je me vois encore : « Tu vas être enceinte et enfanter le Fils de Dieu… »

Il fallait tomber sur la bonne personne, qui allait accepter cela. Vous vous y voyez, vous, à cette époque-là ? On ne badinait pas avec la morale. Heureusement que Joseph, le brave, s’est laissé convaincre par mes messages angéliques envoyés dans ses rêves d’honnête homme.

Et la nuit de la naissance du Sauveur ! Ils ont eu la peur de leur vie quand ils m’ont vu resplendissant. J’avais mis le paquet, cela valait vraiment la peine ! En plus, j’ai dû engager des intérimaires pour chanter à pleins poumons d’anges à la gloire de Dieu.

Merci Seigneur de nous offrir le salut à travers ton Fils bien-aimé.

 

Et qu’est-ce qu’ils en ont fait, de ce Fils bien-aimé ? Lui qui guérissait les malades, prenait compassion des plus humbles, ouvrait les yeux des plus aveugles, aveugles des yeux, mais surtout du cœur.

Crucifié. Ah oui, il dérangeait les bien-pensants. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps céleste, tout en ayant confiance dans la promesse de Dieu que la mort n’est pas la fin de tout.

 

Et, au matin de Pâques, quelle joie de pouvoir annoncer aux femmes d’abord, aux disciples ensuite, qu’il fallait chercher ailleurs que dans un tombeau Celui qui vit aux côtés des humains.

Je sais, ils ont eu de la peine à me croire, à nous croire. Etions-nous deux, étais-je seul ? Je ne répondrai pas à cette question, ce n’est vraiment pas important.

L’important, c’est Lui, le ressuscité, le Sauveur, celui qui demeure auprès de vous, chers humains.

 

Il faut que je laisse là les souvenirs, il est temps de chanter les louanges de Dieu, je n’ai que trop tardé… J’entends les collègues qui s’y sont mis depuis belle lurette.

 

Yvette Vanescotte

image : pixabay

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